TEMOIGNAGE DE SAOUSSEN

portrait saoussen

 
TRAIT PORTRAIT : SAOUSSEN


Peux-tu te présenter et nous raconter un peu ton parcours ?

Je m’appelle Saoussen, je suis née et j’ai grandi à Roubaix, dans un contexte familial « différent » parce que je suis orpheline de mère. Je dis que de mère parce que mon père, je ne l’ai jamais connu. J’ai été élevée par ma tante et mon oncle que je considère comme mon père. J’ai commencé la pratique de l’escrime avec mon école. Chez moi on me disait que je ne devais pas rester inactive, que la télé ce n’était pas bon pour moi. La salle d’escrime était pas loin, je me suis dit pourquoi pas. J’ai commencé par des petites compétitions au niveau régional puis au national. J’ai été repérée par le Pôle Jeune d’Orléans, j’y suis restée deux ans et en 2012 j’intègre l’INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), la grande école de sport à Paris.

« Ma famille me manquait, du coup
j’ai pris la décision de quitter l’INSEP »

L’année dernière suite à un problème d’argent de mon sponsor, j’ai perdu mon sponsor principal, et quand j’étais aux JO j’ai perdu ma grand-mère. C’était mon modèle et ça m’a fait prendre conscience que ma famille me manquaitdu coup j’ai pris la décision de quitter l’INSEP pour revenir m’entrainer à Roubaix. Suite à mon changement de club je ne suis plus trop encadrée par la Fédération et je dois me débrouiller un peu toute seule. J’ai toujours été chouchoutée par le monde du sport, on ne m’a jamais ouvert les yeux sur ce qui m’attendait après ma carrière et je suis tombée et je tombe encore un peu de haut.

 

Comment as-tu découvert la Mission Locale ?

Ma cousine y est inscrite, et j’ai été agréablement surprise de l’aide qu’on m’apporte encore aujourd’hui là-bas. Je suis très contente de pouvoir m’ouvrir les yeux sur le monde du travail, c’est vraiment important parce que je me rends compte qu’en fait je connais rien, j’ai jamais travaillé de ma vie alors que j’ai 23 ans, quand les jeunes, surtout à Roubaix, commencent à travailler très tôt. Ca me fait du bien de me prendre la claque maintenant, je me dis que la prendre à 30 ans, ça aurait été plus compliqué de rebondir que maintenant.

« Pour l’instant je suis à la recherche de sponsor, [...] j’ai l’ambition d’allé à Tokyo 2020 »

Après ma carrière, je voudrais être assistante familiale. Pour l’instant je suis à la recherche de sponsor, j’ai essayé de travailler en tant qu’intérimaire mais c’était vraiment… pas possible pour l’instant avec ma pratique sportive parce que j’ai l’ambition d’allé à Tokyo 2020 et de faire une médaille, pas juste d’y aller. Le travail ça fatigue pour un athlète, c’est de la récupération en moins. Sauf que ma particularité à moi c’est que derrière j’ai pas papa et maman pour me donner 500 euros par mois comme beaucoup de sportifs. Maintenant j’ai fait le choix de revenir à Roubaix, j’ai plus de logement payé par l’INSEP, donc un appart il faut le payer, il faut payer ses courses, c’est une autre vie quoi.

Qu’est ce que t’apportes la Garantie Jeunes ?

Ce que j’aime à la Garantie Jeunes, c’est le fait que je découvre les métiers, par exemple on me parle de l’alternance, de pleins de choses que je ne connaissais pas. Ma conseillère elle dépasse le stade du professionnel, par exemple là je suis à la recherche d’un logement, parce que j’ai envie d’avoir mon chez moi. J’aime ce côté là où on essaye vraiment de te remettre dans le droit chemin, même par rapport aux papiers où je galérais un peu, la CMU, la CAF c’est des choses que je découvre. Heureusement que j’ai trouvé la mission locale. Même ma famille me dit c’est ta nouvelle maison, mais c’est vrai que j’aime beaucoup venir ici.

« J’ai l’impression que ce qui m’attend est beau »

Sinon je suis quelqu’un qui aime bien la mode, qui aime beaucoup écouter de la musique, on m’associe souvent à celle qui fait rire, qui se prend pas la tête, qui avance, et c’est ce que j’essaye de faire de ma vie, avancer.

Tu me parlais de ta grand-mère, tu disais que c’était ton modèle, pourquoi ?

Ma grand-mère c’est notre reine, on est un peu une famille qui a grandi sans repère maternel et paternel, donc c’était elle le pilier de la famille. C’était ma force. Quand je suis partie en pôle à Orléans, le week-end je rentrais chez elle, je l’aidais, on a construit une relation vraiment fusionnelle, des fois c’était une grand mère des fois c’était une copine des fois elle était chiante. Ca m’a vraiment fait du mal de la perdre mais bon c’est la vie.

Et pourquoi choisir de revenir à Roubaix ?

Parce que j’ai envie de vivre ma vie comment je l’entends, et quand t’es soutenu par tes proches c’est plus facile de s’assumer. Aujourd’hui j’ai vraiment besoin de ma famille pour pouvoir m’épanouir et être heureuse. Malgré tout on est fier d’être roubaisien, je vois des gens dans la rue qui me reconnaissent qui me disent continue t’es notre fierté alors qu’à Paris … je n’attends pas forcément de la reconnaissance mais ça fait du bien d’être soutenue.

« J’y arriverai même à Roubaix, tant qu’on a l’envie, peu importe où on est, on peut le faire »

Forcément avec la concurrence t’as l’impression que t’es limite nulle et quand tu rentres à Roubaix et que même les petits du club ils te disent « J’aimerai bien être toi ! », je me suis dit « En fait t’es bien. », c’est ta place l’escrime, juste t’étais peut être pas entourée des bonnes personnes. J’ai la prétention de dire que j’y arriverai même à Roubaix, tant qu’on a l’envie, peu importe où on est, on peut le faire. C’est ce que je vais me prouver parce que les autres j’ai plus rien à leur prouver. Je commence à assumer mon statut de « fer de lance » comme ils aiment m’appeler au club.

Et ta scolarité ? 

Très jeune, j’aimais l’école et après j’ai lâché prise avec le sport en fait, à partir du moment où mes entrainements devenaient trop fatiguants… Ce que je vis aujourd’hui je ne le regrette pas, pour l’instant j’ai un Bac Pro Commerce, et dans ma famille c’est le bac au minimum ! Ensuite j’ai entamé un BTS MUC que je n’ai pas fini mais que j’aimerais reprendre en alternance plus tard mais pour l’instant c’est vraiment Tokyo 2020, j’ai que ça en tête.

Ça ne te fait pas peur de te dire que du jour au lendemain tout peut s’effondrer ?

C’est une pression à gérer, j’ai l’impression que ce qui m’attend est beau, je me dis que si je me donne à fond dans mon sport, si je fais les choses bien je vais savoir rebondir. Si du jour au lendemain ça s’arrête, oui ça va être dur mais avec la volonté je referai, je re construirai et j’y arriverai.

Et la peur de ne pas être à la hauteur ?

Je sais de quoi je suis capable et je me dis que si je travaille, ça passera, tout est une question de travail, pour moi j’ai déjà prouvé.

« Le sport est école de vie »

J’ai déjà été championne d’Europe junior, j’ai déjà fait des médailles par équipe en senior, et je me dis que si je travaille ça passera. L’envie elle est super importante avec l’envie on construit de bonnes choses.

Et ta famille dans tout ça ?

Ils sont très très très fiers, ils me soutiennent dans ce que j’entreprends, ils sont à fond derrière moi. Ils n’ont pas peur, ils voient que c’est le domaine où je suis le mieux, où j’excelle, du coup ils sont contents pour moi. 

Quelles sont les valeurs que t’inculque le sport ?

« Le sport est école de vie » le sport me fait comprendre plein de choses que je peux réutiliser dans ma vie de tous les jours : la rigueur, la patience, l’écoute, la persévérance, la générosité parce que dans mon sport on fait aussi du par équipe et le fait de pouvoir s’entraider c’est vraiment école de vie.